mardi 19 septembre 2017

Les termes qui aident à affiner nos sensations Aïkido


Pratiquer l'Aïkido, c'est entrer dans le monde des sensations.

Ce seront de riches échanges non verbaux avec des individus sur un support martial. C'est pour cela qu'on entend parfois que l'Aïkido est considéré comme un art de la communication. Pratiquer la non-violence au sein d'un art de combat ne peut s'improviser et ne rester qu'un concept. Il faut mettre en place des techniques et maîtriser de nombreux principes.

Après avoir acquis les Kihon waza (techniques de base, académiques) ainsi que toutes les sortes d'attaques, déplacements, chutes, l'alchimie de tous ces éléments va permettre de riches échanges.

En progressant, l'Aïkidoka va paradoxalement épurer, retirer, les éléments inutiles à la réalisation de ses techniques à l'image d'un bouquet d'ikebana, où ne restera dans le vase, que le strict minimum. En Aïkido, il s'agira d'ôter après en avoir pris conscience, certaines raideurs, tensions, retards, postures inadéquates... On n'apprendra pas plus de techniques avec les années. Au mieux, créer des combinaisons (HENKA WAZA ou « variations »). Par contre, on tendra à les affiner. Viendront de nouvelles sensations.



(photo drawing from internet)



Il est très difficile de verbaliser les sensations en Aïkido. On garde alors les termes Japonais car nous ne trouvons pas l'équivalent en langue française.

On trouve beaucoup de théoriciens et d'historiens de l'' Aïkido sur les tatamis français. Cette liste de termes n'a pas pour but de rajouter de « l'intellectualisme », mais d'ouvrir le champs des sensations en osant y accoler des termes. L'intérêt est de parler le même langage propre à notre art.

DE AÏ : maîtrise du moment du contact, de la rencontre (notion de temps, de timing)

MAAÏ: maîtrise de la juste distance, de l'espace
La conjugaison des deux maîtrises forme la juste appréciation du temps et de l'espace idéal pour entrer en contact ou esquiver son partenaire. Maîtriser le temps et l'espace est, au passage, une des quêtes du ZAZEN, mais aussi de bon nombre de pratiques autant physiques que spirituelles.

On peut alors parler de AWASE (la rencontre) du verbe AWASERU (s'harmoniser, s'adapter).
Mais avant tout, TORI dispose de trois manières de travailler:

SEN NO SEN: Aller au devant de l'attaque, anticiper, prévoir, démarrer avant, voire la provoquer. Ceci demande une grande maîtrise. Il faut alors observer la moindre velléité d'attaque chez Uke et interpréter les signaux trahissant sa prochaine envie d'attaquer. On aiguise alors notre acuité sensorielle tout sens confondus ( Synesthésie). Le SEN NO SEN évite de se faire bloquer, verrouiller, fixer ou tout simplement de recevoir un coup.

TAÏ NO SENLe travail se fera en même temps (c'est la majorité des échanges entre débutants dans les dôjôs). Le « gros » de leur pratique courante.

GO NO SEN: réaction de Tori au dernier moment. En laissant venir. On retardera l'envie d'intervenir. C'est une prise de risque avec courtes esquives. (travail difficile car il ne faudra pas pour autant se laisser bloquer ou toucher).

« SEN » désigne une notion de temps. Pour information, SENSEI (professeur) veut dire « celui qui est né avant ».

Il ne faut pas confondre avec GO NO GEIKO: Travail en résistance (rare sur nos tatamis, juste afin de connaître la puissance, trouver l'économie d' NRJ, ressentir toute la portée des techniques, mieux gérer sa stabilité).

Par opposition, JU NO GEIKO sera alors un travail en souplesse.

Avant tout, afin de construire une attaque cohérente et déterminée, Uke doit maîtriser son KI KEN TAI NO UCHI (coordination de l'énergie, de la frappe, du corps dans le même temps).

Autant dans le camps Uke que Tori, les bras sont en UDE KATANA (bras ayant la courbure d'un sabre, ni tendus ni pliés). Les deux pratiquants veilleront à toujours être en KEN SEN (alignés comme deux sabres pointe à pointe).

Vient ensuite la manière idéale de conduire, de coller au déséquilibre d' UKE. On parle alors de de KI-MUSUBI (conduire le déséquilibre en fusionnant).

Même si la grande majorité des techniques agissent sur les bras, les poignets d' Uke, ce n'est pas ce qui doit intéresser TORI. Il faut rechercher un échange KOKORO NO KOKORO (de coeur à cœur, d'âme à âme). Les bras ne sont qu'un trait d'union.

Durant la pratique, le KI KAÏ TANDEN ( " l'océan du Ki" ou centre de gravité) est toujours placé dans le HARA (ventre physique et spirituel). Véritable tour de contrôle, siège des mouvements réflexes. De là que tout part, tout se décide, tout se gère. Ce centre de gravité, ce point immatériel, on le situe idéalement à 3 centimètres au dessous du nombril. Mais c'est seulement lorsque le corps est à l'arrêt et bien équilibré (telle l'image de l'Homme de Vitruve de Léonard de Vinci).

Car tout mouvement ou geste tendent à le déplacer. Il peut même être en dehors du corps selon certaines positions ou postures. Tori s'évertuera sans cesse à le garder centré et axé dans son HARA.

On peut, dès lors, aller vers encore plus de fluidité ( KI NO NAGARE ou énergie qui s'écoule librement).

Il faudra alors régler son KOKYU RYOKU ou "autorité naturelle" (la force qui émane du ventre lorsqu'on est très bien entraîné «équilibre souffle /énergie /mouvement »)

Durant l'échange, TORI aura le choix de passer d'une technique à l'autre de façon cohérente et naturelle (HENKA WAZA).

Durant l'échange le regard doit être placé bien horizontal, avec une vision périphérique sur l'ensemble du Dôjô. Sans regarder ses bras ni l'arme qui l'attaque. On parle de ME TSUKE.

Au final, en fin de projection ou lors d'un contrôle au sol, ZANSHIN devra être observé (temps de vigilance en fin de techniques,concentration persistante), c'est la notion de maîtrise de l'espace autours de soi, c'est aussi le 3e temps de frappe en ken-suburi, le tout dans une posture parfaite (SHISEI).

Pour conclure, On n'a pas spécialement besoin de connaître tout ces termes pour atteindre un bon niveau en Aïkido.

Les pratiquants «sur-doués » trouveront instinctivement ces étapes de progression soit par modélisations et observations de leur senseï après des heures de pratique, soit tout simplement, de façon innée.

Toutefois, le fait de verbaliser ces différentes sensations et principes, permettra à la grande majorité des pratiquants d'en prendre conscience dans un premier temps, puis de les affiner afin de s'améliorer d'autre part.

Patrick Belvaux


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